15 mars 2016

Uberisation cognitive


Les affaires reprennent... Entre deux averses et quelques flocons de neige, voici déjà poindre les premières fleurs de magnolia, exhibant leur pose élégante à l'extrémité des branches encore nues.

Et nous-même avons en ce moment fort à faire pour courir après un monde qu'on essaye de nous escamoter en nous le présentant déjà comme radicalement nouveau. Un vœu pieux, à vrai dire, car nous ne somme pas si dupes !

Prenons par exemple ce  fameux procédé d'uberisation, qu'on essaye de nous vendre comme révolutionnaire dans les domaines les plus divers. En réalité, il s'agit d'un phénomène de leurre et le mythe de simplification qu'on lui prête volontiers correspond tout bonnement à l'effacement des critères de qualité, selon la formule magique : "mieux, en moins bien". En gros, il s'agit là d'une méthode de sauvage : je rentre dans le champ, je bouscule tout et je prends la place.

Si l'usage désormais généralisé d'internet est sans doute un accélérateur de communication et d'échanges productifs, c'est aussi une source inépuisable de malentendus et de manipulations. A tel point, qu'on en vient parfois à regretter le bon vieux temps où nous n'avions que la télévision pour nous proposer des fictions. A l'époque en effet, on voyait à peu près d'où venaient les coups. Un peu de culture générale et de présence d'esprit suffisaient généralement pour identifier tant le contenu du message que les intentions du messager. Aujourd'hui, virtualité oblige, les pièges sont subtilement disséminés partout, presque indétectables, parfois revêtus des apparences les plus officielles. Laissons de côté tous les virus, malwares et autres infections dont il est conseillé de se prémunir pour nous concentrer plus spécifiquement sur le risque essentiel qu'encourt de nos jours l'internaute distrait ou naïf, à savoir la manipulation psychologique. Le piège mental.

Invisible, indicible, improbable : une sorte de technologie du crime parfait est en train de se développer sous nos yeux ébahis. Sous des apparences respectables, on voudra nous vendre telle théorie, telle nouvelle pratique dans l'économie numérique ou telle information non vérifiable. Le processus est des plus simples : il suffit de sélectionner quelques mots-clés attractifs et de bricoler un site, un blog, un point de chute quelconque. Ne reste qu'à faire tourner le moulin, business as usual... on fait courir des rumeurs, on modifie les pages Wikipedia, on sature Google de leitmotive envahissants et bien ciblés.

De nouveaux concepts seront ainsi créés et si leur symbolique s'avère suffisamment efficace et attractive, ils seront bientôt intégrés dans la nouvelle mythologie qui est en train de se mettre en place. Non, l'homme n'a pas besoin de voir pour croire. En revanche il a toujours besoin de croire pour vivre.

Heureusement, les bons détectives n'ont pas fini de détecter...