15 octobre 2014

La vie monacale du commentateur de weblog


Il n'y a pas d'heure pour les braves.

La journée de l'impétrant commence bien avant l'aube mais déjà dans le calme et la concentration les plus propices à ses activités scripturales. Il s'agit d'abord de s'assurer qu'aucun commentaire posté sur son blog préféré durant ses quelques heures de sommeil n'ait pu échapper à sa vigilance. Fébrilement, il passe en revue les interventions de la veille et ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire à la lecture de quelques mémorables passes d'armes dont il était parfois l'instigateur, sinon l'acteur. Le plus dur étant ensuite de tromper ce temps qui s'étire interminablement jusqu'au très attendu prêche matinal, qui lui tient lieu de nourriture spirituelle quotidienne autant que de prétexte à développer son propre génie rédactionnel.
 
Les divers travaux pratiques sont exécutés rapidement et en silence : toilette, collation matinale, ménage seront aussi expéditifs que superficiels. Sachant que l''activité principale d'un commentateur est essentiellement de commenter les commentaires plus que le sermon lui-même, (habilement arrangé autour d'un flou hagiographique du meilleur effet), il se doit d'être au mieux de sa forme et d'une vigilance à toute épreuve. Il lui est donc permis de consommer d'innombrables mugs de café fort ou pour les monastères les mieux dotés, des espressi en capsule "what else".
 
Ne pas s'imaginer cependant qu'il règne ici une ambiance de  franche camaraderie. Les autres frères-commentateurs réguliers sont en réalité des concurrents féroces plus que des collègues. Dans cet univers complètement dingue relooké aux couleurs du numeric-age, les moines ne sont plus des copistes mais des contributeurs à part entière. Dans la mesure où leurs interventions sont conséquentes et bien tournées, elles peuvent en effet contribuer à la réputation d'un blog tout autant que la qualité et la persévérance de l'auteur lui-même.

Le commentaire de weblog est néanmoins un genre littéraire éphémère et délicat qui tient plus du haïku japonais que de l'analyse critique. Qui se souvient en effet des perles d'avant-hier ... sinon leur propre rédacteur. Lequel se lève parfois nuitamment pour relire et savourer ses propres tournures et trouvailles, si peu mises en valeur par le défilé incessant des réparties qui se veulent plus spirituelles les unes que les autres.

La vie monacale du commentateur est ainsi faite de solitude, de frustrations et de petites joies. On entend parfois l'un ou l'autre pouffer dans sa manche pendant l'homélie introductive. Mais surtout, dès la messe dite, on les voit tous se précipiter sur l'encyclopédique Google pour y quérir l'indispensable matériel documentaire afin de resplendir comme un astre pendant quelques minutes exaltantes.







 
 

Aucun commentaire: